Poésie narrative  d'auteur  inconnue...Geneviève...
                                                Comencau.  
 
Les eaux de l’Aveyron sont clémentes.  
Elles ont laissé accessible le chemin de terre, celui d’ici-bas.  
 
C’est par là qu’Elle débouche au pied du pont de Comencau.  
La toile des pavés l’oblige à lever la tête, vers l’au-delà.  
Ses pas empruntent le chemin de son regard.  
Le vieux pont est en pente.  
 
En son milieu, elle s’immobilise. Elle étend ses bras. Ils s’allongent de part en part, reliant les cinq arches, de la plus petite à la plus grande.  
Elle devient elle-même Pont. Elle n’a plus qu’à attendre…  
 
Le pont vibre… secrets, mystères, murmures.  
Les historiens n’ont plus la parole. Le quinzième siècle s’endort.  
 
Mandragore, datura… Elle voit. Elle entend.  
Elle imagine ce que personne ne raconte.  
 
Un géant descend la rivière vers la filature de Nances. Il court, un pied sur chaque rive, soucieux de ne pas se mouiller. A hauteur du pont, son pied gauche glisse. Il empiète alors sur la première arche, la faisant basculer dans les eaux. Il ne s’arrête pas.  
 
Un géant, vraiment ?  
Et si c’était Dieu et Diable, se défiant dans le temps d’avant l’avant, quand Comencau était encore invisible et mythique. Ils se disputent pour remplacer le Passeur de brume. Ils finissent par enterrer leur querelle et manigancent pour ne pas faciliter le passage des âmes d’un monde à l’autre. Certaines ne pourront jamais gravir la pente.  
Ce murmure étrange, n’est-il pas l’écho des damnés, prisonniers à jamais et que l’eau n’a pas voulu engloutir ?  
 
Mais Dieu n’a peut-être rien à dire.  
Tout se passe entre Lucifer et plus malin que lui. Le premier a fait un marché. Il a construit un magnifique pont. Il attend, en échange, de s’emparer de l’âme du premier passant qui va le franchir. Dupe dupé. Car celui qui se présente rive gauche croule sous le poids de son âme. Au fur et à mesure qu’il s’en déleste, il sent le pont se soulever sous ses pieds. Rive droite, il lui en reste encore pour fausser compagnie au Drac.  
 
Mystères…  
Le vent se lève.  
Elle referme ses bras.  
 
Elle reviendra pour les souvenirs : le roulement des attelages luxueux des évêques de Rodez, le rire des meuniers, le battoir des lavandières, le chant des tisserandes, le pas des randonneurs.  
 
Elle retrouvera son pas, son chemin.  
Elle finira par passer le pont.  

                                                                                                      Geneviève
 

Nous remercions ici Geneviève.

Ce texte vibre du parfum et de l'âme de Comencau, tout en douceur et très sensulel...trés attachant...

Si Geneviève désire se faire connaitre et nous faire passer un commentaire, nous en serons absolument ravis .

Merci encore.

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